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Allemagne, une transition énergétique complexe ?
Notre voisin allemand est souvent cité comme une référence dans les énergies renouvelables. En cette année 2020, cela fait vingt ans tout pile que l’Allemagne a lancé son « Energiewende » – virage ou transition énergétique. Un ambitieux programme de transition vers les énergies renouvelables, pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le dérèglement climatique. Si les progrès accomplis dans l’électricité verte sont indéniables, le pays peine à atteindre ses objectifs au niveau global, notamment à cause des secteurs des transports et du chauffage encore très carbonés. Regardons de plus près dans l’assiette énergétique du voisin.
Consommation totale d’énergie : encore 65 % d’énergies fossiles
La consommation finale d’énergie en inclut toutes les énergies utilisées par un pays : l’électricité pour les foyers et les bureaux, les carburants pour les transports, le combustible pour le chauffage de certains bâtiments ou faire tourner les usines, etc. Elle se calcule en tonne d’équivalent pétrole (tep) pour exprimer la valeur énergétique de diverses sources dans une unité commune et ainsi les comparer.
La consommation finale d’énergie de l’Allemagne, en ce début des années 2020, s’élève à environ 200 millions tep par an contre 140 millions tep en France. Une différence qui s’explique par des caractéristiques propres à l’Allemagne : une population plus nombreuse, un climat plus froid et une activité industrielle plus intense.
En Allemagne, en 2018, les énergies fossiles – pétrole, gaz naturel, charbon, lignite et autres combustibles fossiles solides – toutes émettrices de gaz à effet de serre, représentaient encore 65% de cette consommation finale d’énergie (contre 60% en France métropolitaine). Notamment parce que le chauffage s’y fait principalement au gaz et au fioul, là où la France utilise davantage le chauffage électrique. Or la production de chaleur est, avec les transports, le secteur le plus consommateur en énergie en Allemagne.
Ainsi, l’électricité ne représente qu’à peine 20% de la consommation finale d’énergie de l’Allemagne. Or c’est dans ce domaine, et quasi-exclusivement celui-ci, qu’ont été concentrés tous les efforts du gouvernement allemand pour diminuer l’empreinte carbone du pays, en diversifiant le mix électrique vers les énergies renouvelables. Une politique publique à saluer, mais qui ne règle donc qu’une partie du problème…
Les sources de production nette d’électricité en France métropolitaine et en Allemagne en 2019. © allemagne-energies.com
Regardons justement d’un peu plus près la production d’électricité en Allemagne. Elle s’élève à 574 térawatt-heure (TWh) en 2019, pas très éloignée de celle de la France qui est de 538 TWh. Mais les sources de production sont très différentes entre les deux pays.
En Allemagne, en 2019, l’électricité provient encore à 44% des centrales à combustibles fossiles : 18,8% du lignite, 15,1% du gaz naturel, 9,4 % du charbon et 0,9% du pétrole. Mais on observe une nette progression des énergies renouvelables, qui représentent aujourd’hui près de 40% du mix électrique, avec 20,9% pour l’éolien, 8,3% pour la biomasse, 7,7% pour le photovoltaïque et 3,1% pour l’hydraulique. Par comparaison, en France, 70% de l’électricité vient des centrales nucléaires, et seulement 21,5% des énergies renouvelables et 7,2% du gaz.
Il est par ailleurs à noter que le prix de l’électricité en Allemagne est parmi les plus élevés au monde, et à coup sûr le plus cher d’Europe : en moyenne, sur 2019, un ménage allemand ayant une consommation électrique située entre 2500 et 5000 kiloWatt heure (kWh) a été facturé 30 centimes d’euro par kWh contre 15 ct €/kWh en France et 11 ct €/kWh aux Etats-Unis. Ce qui fait une différence importante sur la facture annuelle d’électricité des foyers !
Concernant l’épineux sujet du nucléaire, si la part de l’énergie nucléaire en Allemagne était encore de 12,4 % en 2019, l’objectif est d’en sortir d’ici 2022. À la suite de l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, la chancelière Angela Merkel a pris cette décision. Cette sortie doit être compensée, d’après les plans du gouvernement allemand, par un renforcement des énergies renouvelables, en particulier l’éolien, la biomasse et le photovoltaïque, mais aussi une hausse de la production des centrales au lignite, un combustible fossile très émetteur de gaz à effet de serre…
La fermeture de ces centrales au lignite reste pourtant et paradoxalement une étape indispensable pour que l’Allemagne puisse honorer son objectif d’avoir une électricité 100% renouvelable en 2050. C’est donc un véritable défi industriel pour le pays, surtout quand on sait que l’Allemagne est aujourd’hui un pays exportateur d’électricité justement grâce au lignite.
De grandes ambitions pour les énergies renouvelables
Le cadre des politiques énergétiques et climatiques de l’UE guide la politique climatique de l’Allemagne : elles mettent en place le paquet sur le climat et l’énergie à horizon 2020 et le cadre climat et énergie 2030.
Initié en 2000 et accéléré en 2010, le programme de transition énergétique allemand, l’Energiewende, visait la réduction de 40% des émissions de CO2 du pays d’ici 2020 par rapport à l’année 1990 (contre un objectif de 20% seulement en France). Les principales mesures mises en place pour atteindre cet objectif ambitieux ont concerné l’accroissement des énergies renouvelables dans la production d’électricité, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et des transports, et la modernisation des centrales à combustibles fossiles.
Dans son rapport de février 2020, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) constate que l’Allemagne est parvenue à réduire ses émissions de CO2 de 31%, un progrès net mais néanmoins en dessous des 40% annoncés. Pour continuer dans cette lancée, les prochaines échéances sont une baisse de 55% des émissions de CO2 d’ici 2030, 70% en 2040 et d’atteindre la quasi neutralité carbone en 2050.
Toujours dans l’optique de faire baisser ces émissions, l’Allemagne a ainsi pris de nombreuses mesures pour réformer sa réglementation du marché de l’électricité, afin d’assurer une meilleure intégration des énergies renouvelables, leur financement à plus grande échelle et leur rentabilité. Le choix s’est porté principalement sur l’énergie éolienne onshore et offshore, les grands systèmes photovoltaïques et la biomasse.
Il est à ce titre intéressant de regarder les aspects géographiques de la production et de la consommation d’électricité. En effet les capacités de production éoliennes sont situées dans le nord de l’Allemagne, tandis que la demande provient principalement des zones métropolitaines et industrielles du sud et de l’ouest du pays. Le développement des réseaux de transmission du nord vers le sud sont un réel enjeux pour le pays, pour éviter que les régions du nord ne soient confrontées à des excédents d’électricité tandis que celles du sud seraient en déficit. Un déséquilibre qui pourrait en outre s’aggraver avec la fermeture programmée des dernières centrales nucléaires situées au sud du pays.
En complément de l’éolien, du photovoltaïque et de la biomasse, l’Allemagne contribue à la recherche et au développement de l’hydrogène comme source d’énergie renouvelable. La Commission Européenne a lancé un vaste plan de développement au niveau du continent tout entier, avec pour objectif d’atteindre 12 à 14% de part de l’hydrogène dans le mix énergétique européen en 2050, contre moins d’1% aujourd’hui.
La question sensible de la sécurité énergétique
Si l’approvisionnement en pétrole de l’Allemagne semble aujourd’hui sécurisé, grâce à des sources diversifiées, des infrastructures bien connectées et des réserves conséquentes, il en va autrement pour le gaz naturel. L’Allemagne est en effet fortement dépendante de la Russie, d’où elle importe plus de 90 % de sa consommation en gaz naturel. Un talon d’Achille qui risque de s’aggraver avec la sortie du nucléaire et la volonté de réduire la part du charbon.
Ainsi, la sortie du nucléaire en 2022 et la fermeture des centrales à charbon d’ici 2050 ont agité des doutes sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique du pays et de certaines collectivités, qui craignent des black-out énergétiques. Comme nous l’avons vu, la diminution des énergies fossiles est appelée à être compensée principalement par les énergies renouvelables, dont l’hydrogène, mais les pouvoirs publics ont également prévu d’augmenter les importations de gaz naturel comme carburant de secours. Cela implique une sécurisation plus importante de l’approvisionnement en gaz naturel dans les années à venir, notamment par une diversification des sources.
En résumé, grâce au développement de l’électricité verte, l’Allemagne a fait des progrès notables dans la réduction de ses émissions globales de gaz à effet de serre. Mais la transition énergétique de l’Allemagne est complexe et doit être considérée dans son ensemble. Les progrès sont incomplets, car certains secteurs comme les transports ou le chauffage restent très énergivores et carbonés, et encore peu touchés par ce virage énergétique vers le renouvelable. C'est un secteur qui évolue vite et les progrès technologiques sont considérables ! Nous garderons un oeil attentif sur les choix énergétiques de notre voisin allemand.
Mathilde
Publié le 14 août 2020